En Thaïlande, nous irons déguster le café luwak de Khun Surachet un passionné, dans son restaurant à l’architecture traditionnelle en bambou situé près de Kanchanaburi où ils élèvent une cinquantaine de civettes. Chaque année, ses civettes sont transportées en camion climatisé jusqu’à sa plantation de café à Chiang Rai dans les montagnes du Nord où pendant une quinzaine de jours, elles ne consommeront que des cerises de café au son d’une musique relaxante.
Les grains seront torréfiés après nettoyage. Il faudra attendre un an avant de pouvoir déguster le café le plus cher du monde qui coûte 500 Baht la tasse (environ 14 euros).
Histoire du café le plus cher du monde
Le café luwak est un café récolté dans les excréments d’une civette asiatique, le luwak du fait d’une digestion quasi absente. La civette consomme en effet les cerises du caféier digérant leur pulpe mais pas leur noyau, qui se retrouve dans ses excréments. Dans le tube digestif du Luwak, les sucs gastriques — composés d’enzymes qui divisent les chaînes de protéines en chaînes plus petites ou en acides aminés individuels — font subir une transformation bénéfique aux arômes des grains de café.
Il est produit essentiellement en Indonésie aux Philippines, en Thaïlande et dans le Timor oriental. L’origine du kopi luwak est étroitement liée à celle de la production du café en Indonésie. Au début du 18e siècle, les Néerlandais créèrent dans leurs colonies des Indes des plantations de café, notamment d’arabica du Yémen. Pendant la période 1830—1870 politique agricole qui consacrait une grande partie de la production à l’export, ils interdirent aux fermiers indigènes et à leurs employés de cueillir le café pour leur usage personnel. Désireux de goûter néanmoins le fameux breuvage, ceux-ci découvrirent que certaines espèces de musang ou luwak (civette palmiste commune) consommaient les fruits des caféiers et rejetaient les graines dans leurs excréments. Ils consommèrent celles-ci nettoyées, grillées et moulues. La réputation de ce café de civette atteignit bientôt les propriétaires des plantations, qui en firent leur favori. Il était cher, même à cette époque, du fait de sa rareté et de son processus d’élaboration.
Un luwak
Luwak est un nom local de la civette palmiste à Sumatra et en Malaisie. Les civettes palmistes sont principalement frugivores: elles se nourrissent de baies et de fruits charnus comme ceux de certains ficus et palmiers. Elles mangent aussi de petits vertébrés, des insectes, des fruits mûrs et des graines.
La production a commencé en ramassant dans la nature les excréments dont les civettes marquent les limites de leurs territoires. Aujourd’hui elle a lieu dans des fermes, où les civettes sont, soit en cage, soit dans des enclos.
Les civettes mangent les « cerises » de café pour leur pulpe. Après environ un jour et demi dans leur tube digestif les graines sont rejetées en grappes, encore dures et encore couvertes d’une partie des enveloppes intérieures du fruit. Elles sont récoltées, soigneusement lavées et séchées au soleil, avant d’être légèrement torréfiées de manière à conserver leurs arômes complexes et l’absence d’amertume gagnés à l’intérieur de la civette.
On trouve sous le nom de kopi luwak mélanges d’arabica, de robusta, de liberia, ou autres consommés par les civettes, et leur goût est donc très variable. Cependant tous les kopi luwak ont un même profil aromatique et une commune absence d’amertume.
Leur torréfaction est légère, avec une couleur variant de cinnamon à medium, avec très peu ou pas du tout de caramélisation des sucres, contrairement aux graines fortement grillées. Les kopi luwak aux profils les plus doux sont en outre généralement moins torréfiés. Les mélanges de kopi luwak pour café glacé peuvent révéler des arômes absents des autres cafés.
Excréments de civette avant récolte à Java.
Massimo Marcone de l’Université de Guelph en Ontario, a montré que les sécrétions du tube digestif des civettes s’infiltrent dans les graines.
Elles contiennent des enzymes qui brisent certaines protéines ou en acides aminés libres. Le parfum du café doit beaucoup à ses protéines, et on suppose donc que cette modification de leur type et de leur nombre dans les graines avalées par les civettes est à l’origine du parfum unique du kopi luwak. Les protéines sont aussi impliquées dans les réactions qui se produisent au cours de la torréfaction. En outre, dans la civette, les graines commencent à germer : ce maltage diminue aussi leur amertume.
Au commencement de ses recherches, Marcone doutait de l’innocuité du kopi luwak. Il a cependant découvert qu’après un bon lavage, le taux d’organismes pathogènes est insignifiant. La torréfaction à haute température contribue probablement à rendre les graines plus sûres après lavage.